Degré 3 : On the road again, again, again, again, again…
Mon 4x4 est magnifique. 8 cylindres. J’en rêve la nuit. 516 chevaux. Il est noir comme elle. 260 km/h maxi. Il est splendide, je ne m’en lasse pas. De 0 à 100 en 5.1 secondes. La carrosserie est impeccable, brillante, pas une trace de boue. 22 litres aux 100 en ville. Quand j’entre dedans, l’odeur des sièges et du volant en cuir m’emplit les narines. Le bois d’olivier me flatte l’œil. Les plastiques et l’acier spécial luisent. Le tableau de bord scintille. Toit panoramique. Je domine la route et le ciel. Moteur en marche, je maîtrise la machine, sa puissance. Air conditionné. J’éprouve une profonde jouissance. Plus rien n’existe autour de moi. Tout est petit. Je suis libre, les ennuis oubliés.
Régulateur de vitesse. Sur l’autoroute, je surplombe les « pots de yaourts » ambulants et asthmatiques. Quand il pleut, rien ne m’arrête. Mes pneus fendent l’eau. Mes phares percent pluie et brouillard. Mes essuie-glaces glissent sans bruit à la vitesse qui me plaît. Les autres s’écartent ou je slalome, double à droite. DVD. La trompette dans le jazz…
Au loin, des escargots freinent à l’approche de la ville. M’en moque. GPS, je m’faufile. Ça va passer. Bande d’arrêt d’urgence, première sortie. Fermée.
Servofrein. Je freine. ABS. J’entends
maintenant la pluie. Tout est bouché. Accident, gyrophares. Encore un
chauffard.
Point mort aux
dents, la haine. Catastrophe, vitesse de pointe chute. Tout à refaire.
176
km/h, 168, 152, 143, 131. Personne n’avance. Tous englués. Comme des
mollusques. Klaxonne. Rien n’y fait. Allume une cigarette. Appuie sur bouton.
Vitre s’ouvre. Petit bruit, moteur électrique. Merde, mouille. Jette cigarette.
Referme vitre. Coincé. Comme autres. Envie
d’pisser. Pluie. Nuit. Cuir. Fuir. Fuir.
Fuir. Fuir. Fuir.
Toc, toc.
- Monsieur, réveillez-vous et circulez. L’accident est
résorbé maintenant et vous bouchez toute l’autoroute.
Je lève la tête. Le ciel s'éclaircit.